Famille de Saint Joseph

Pas de liberté sans fidélité

par | 2 juillet 2014

 

Le 1er mai 1976, à Saint-Joseph de Mont-Rouge, le Père Abel Bridonneau, professeur du Séminaire des Jeunes de Montpellier, a donné l’homélie. En voici le texte intégral.

Nous voici venus de partout sur cette colline de Saint-Joseph de Mont-Rouge. Et cette marche que nous avons faite, n’est-ce pas une image de notre vie ? Dieu nous a appelés à exister, à vivre de sa vie. Et les uns et les autres, nous marchons vers cette rencontre dernière où nous verrons enfin Celui que nous aimons et célébrons sans Le voir encore ! Marche terrestre où, comme nous le faisons aujourd’hui, sans regret, nous donnons fidèlement à Dieu le meilleur de nous-mêmes. Marche terrestre douloureuse parfois ; mais nous le savons bien : à la suite de Jésus-Christ, on n’entre pas dans le Royaume de l’Amour sans passer par la Croix.

Le premier en effet qui nous a ouvert le chemin pour aller jusqu’à Dieu c’est JÉSUS-CHRIST lui-même, le Fils de Dieu venu suivre nos routes humaines. Et combien depuis lors ne l’ont-ils pas suivi ? L’être humain le plus proche de Jésus, celle qui L’a suivi, au plus près, parce qu’elle est sa Mère, n’est-ce pas la VIERGE MARIE ?… Mais qui donc a été l’être le plus proche de la Vierge Marie, sinon JOSEPH, son époux véritable ? Qui donc, avec la Vierge Marie et après elle, a été en ce monde l’être le plus proche du Fils de Dieu incarné, sinon JOSEPH, choisi pour être le père légal de Jésus ? Qui donc maintenant, dans la gloire et la joie de l’éternité, est le plus proche de Jésus ressuscité, avec la Vierge Marie et après elle, sinon encore JOSEPH ?…

Alors, en notre temps de bavardages, de querelles intellectuelles, de déclarations multiples ; en notre temps où les chrétiens devraient être plus soucieux de s’adapter à Dieu que d’essayer de s’adapter au monde, je crois qu’il nous est bon de contempler, à la lumière de l’Évangile, cet homme silencieux, humble et discret, cet homme disponible et fidèle jusqu’au bout, celui que nous célébrons aujourd’hui dans la joie : SAINT JOSEPH.

1 – JOSEPH nous dit l’Évangile, était un HOMME JUSTE : je dirais que Joseph vivait toujours « à l’heure de Dieu », toujours juste par rapport à la volonté de Dieu. Sans doute, il réfléchit, organise sa vie, fait des projets. Mais toujours en fonction de ce que le Seigneur demande, TOUJOURS DISPONIBLE, QUOI QU’IL EN COÛTE À FAIRE CE QUE DIEU VOUDRA

Voilà qu’il a projeté d’épouser une jeune fille du voisinage appelée Marie, Mais bientôt elle devient mère par la seule puissance de Dieu. Joseph alors estime que cette femme n’est pas pour lui : Dieu se la réserve pour une mission et un service spécial. Croyant accomplir la volonté de Dieu il décide, dans la discrétion, de laisser à Marie sa liberté. Or, voici que Dieu – lui qui met toujours à l’épreuve ceux qu’Il aime – va lui indiquer quelle est sa vocation, son service. Et nous avons alors dans l’Évangile, une scène parallèle à celle de l’Annonciation. Un ange s’adresse à Joseph et lui dit : « Ne crains rien, Joseph, prends chez toi comme épouse Marie ; le Fils qui naîtra d’elle, c’est à toi qu’il revient de lui donner son nom ». Nous ne connaissons pas la réponse parlée de Joseph, mais elle a le même sens que celle de la Vierge Marie : « Me voilà prêt à faire ce que Dieu voudra ». L’Évangile, en une formule très brève, nous donne la réponse active de Joseph : « Joseph fit ce que l’Ange lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse et, quand l’enfant naquit, il lui donna le nom de Jésus ».

Comme Marie, Joseph s’est montré entièrement disponible : appelé par Dieu à être le père légal de Jésus, il répond de suite. Et c’est grâce à lui que Jésus, Fils de Dieu, est humainement Fils de David, parce que Joseph était de descendance royale.

2 – Appelé à être le responsable terrestre du Fils de Dieu et de sa Mère, JOSEPH VA ÊTRE LE SERVITEUR FIDÈLE par excellence. Comme lors de tout appel, Joseph ne sait pas très bien le chemin sur lequel Dieu l’entraîne ! Il part pourtant du bon pied, disposé à être toujours fidèle, le cœur rempli de confiance. Les difficultés pourront venir, et elles viendront, Joseph sera toujours fidèle. Il sait qu’à chaque étape de notre vie, à ceux qui sont sans cesse disponibles, Dieu donne lumière et force indispensables. C’est pourquoi, sans jamais regarder en arrière, Joseph s’engage fidèlement dans le service qui est le sien.

Il peut nous être bon, aujourd’hui, je crois, de regarder plus avant cette fidélité de Saint Joseph.

On dit parfois, même dans l’Église, qu’un engagement définitif est aujourd’hui impossible ! On parlera de « mariage à l’essai »… On estimera que l’on ne peut entrer une fois pour toutes dans le sacerdoce ou la vie religieuse… L’être humain n’est jamais entièrement achevé et ne se possède jamais en totalité ; le monde d’aujourd’hui est très changeant. Alors, comme on a créé une « morale de situation », on crée des « engagements de situations » ! Sans doute, les uns et les autres, nous sommes faillibles et nous pouvons être infidèles. Mais la liberté vraie, ce n’est pas de changer au gré de nos évolutions intérieures ou des circonstances extérieures ; c’est de faire toujours ce qu’une fois on a décidé aussi librement qu’il est possible et dans la foi. Pas de liberté sans fidélité. Nous avons répondu à l’appel de Dieu, comme Joseph, dans une certaine obscurité sur l’avenir ; mais avec une certitude absolue : celle de Dieu qui est toujours là : « Il est fidèle le Dieu qui nous a appelés ». Ce n’est jamais Dieu qui nous manque, c’est nous qui manquons à Dieu !

Joseph doit être, pour nous, l’exemple de l’homme fidèle à son service. Il sera un inconditionnel de Dieu et, lorsque Dieu commande, il ne pose pas de question, il obéit. Dès sa naissance, Jésus est menacé et le Seigneur lui fait dire par l’Ange : « Lève-toi, prends l’enfant et sa mère et retire-toi en Égypte ». L’Évangile ajoute simplement : Joseph se leva, prit l’enfant et sa mère et se retira en Égypte. Les mêmes formules sont employées pour le retour. Des longues années à Nazareth, l’Évangile nous dit peu de choses ; cependant, n’est-ce pas avec une grande affection que Joseph, en compagnie de la Vierge Marie, a fait l’éducation du Fils de Dieu ? Avec quelle fidélité n’a-t-il pas dû remplir sa tâche de charpentier ? Avec quel amour n’a-t-il pas appris à l’adolescent et au jeune Jésus son métier terrestre ? Dans un tel état de fidélité, malgré les lassitudes – et Joseph a dû être lassé parfois – malgré les difficultés, les fatigues – Joseph a dû en avoir – il n’a jamais connu de déception, il n’a jamais donné prise en son cœur à la rancœur, à l’aigreur, au regret.

Oui, quand il nous arrive à nous, prêtres, religieuses ou laïcs d’avoir en nous rancœur et aigreur, d’être découragés, c’est que nous n’avons pas encore bien compris qui est Dieu et ce à quoi il nous appelle. Rien ne doit faire impression sur nous et nous ébranler s’il est vrai que nous vivons de Dieu lui-même. Joseph, parce qu’il a été fidèle, rien ne l’a détourné de sa tâche : il est resté solidement attaché au service qui était le sien.

3 – Il faut ajouter ceci : Tout service vécu dans la fidélité inconditionnelle comprend la Croix. Sans doute, nous ne savons pas si Joseph était encore vivant lors de la vie publique de Jésus, ni non plus qu’il ait vu de ses yeux terrestres la Passion du Seigneur. Mais ce qui est sûr est ceci : JOSEPH A PARTICIPÉ à la PASSION de JÉSUS : on n’entre pas dans le Royaume sans cela.

L’Évangile, si nous savons bien le lire, nous le dit d’ailleurs : Joseph a participé à la Passion de Jésus en ce qu’il y a d’annonciateur de la Croix dans l’enfance du Seigneur.

Avec Marie, son épouse, c’est lui qui est chargé de trouver un endroit digne pour que l’enfant naisse ; or il n’y a pas de place pour eux. Comment alors Joseph n’aurait-il pas souffert de ce rejet du Fils de Dieu annonçant celui du peuple d’Israël lorsqu’on enverra mourir Jésus en dehors de Jérusalem ? La vie de l’enfant Jésus est bientôt menacée et il faut s’enfuir au lointain. N’est-ce pas que Joseph souffre de la persécution dont est déjà victime le Fils de Dieu en ce monde ? Lorsque Jésus, à 12 ans, s’en vient en pèlerinage à Jérusalem et qu’il est perdu pendant trois jours, à l’angoisse de ses parents, n’est-ce pas déjà une image de la Passion de Jésus quand il sera perdu dans la mort pendant trois jours ? Oui, Joseph, de même que la Vierge Marie et, après elle, plus que personne au monde, a participé à la Passion de Jésus et a connu la Croix. On n’entre pas dans la gloire sans passer la ce chemin…

 

Voilà très vite dessinés quelques traits de Joseph. On pourrait dire tellement plus et mieux !…

Nous admirons chez saint Joseph, bien sûr la grâce qui a choisi cet homme juste ; il n’y a que deux êtres au monde qui soient extraordinaires : la Vierge Marie et Joseph. Nous admirons chez lui la fidélité inconditionnelle à son service, service merveilleux qui ne se mesure pas aux échelles humaines. Ceux qui sont les plus humbles en ce monde sont les plus grands dans l’Invisible de Dieu. Nous admirons chez lui sa patience en ce qu’il a participé de très près à la Croix de Jésus.

En aimant ce fils mystérieux – il savait bien la manière dont il était venu en ce monde – en servant ce fils, à la place qui était la sienne, Joseph a aimé et servi son Dieu, il a aimé et servi le mystère du salut, il a aimé et servi l’Église qui commençait sa vie en la vie cachée de Jésus. Et désormais, comme elle ne peut vivre sans sa Mère qui est la Vierge Marie, l’Église, en son chemin terrestre, ne peut vivre sans la protection de saint Joseph, premier responsable des commencements du salut.

Marie est la première chrétienne de l’histoire, la première dans l’ordre de la sainteté, la première des ressuscités. Après elle, il n’y a que Joseph, le premier chrétien de l’histoire, le premier en sainteté, le premier qui entrera dans la gloire des ressuscités.

Dans une vieille prière que nous ne disons plus guère, nous demandions qu’à l’heure de notre mort, ce soit la Vierge Marie qui nous présente Jésus entre ses bras. Eh bien, quand nous arriverons là-bas, à la Maison du Père, au terme de notre pèlerinage terrestre, miséreux, pêcheurs, avec pas grand-chose dans les mains, il y aura la Vierge Marie avec son Fils entre ses bras et, à la place qui est la sienne, humble et discrète, il y aura aussi JOSEPH. Amen.

 

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